C'est à la ferme uniquement que, jusqu'à la fin du XIXè siècle,
on a fabriqué le cidre et les trois grands fromages augerons.
Leur production industrielle a vu ensuite s'implanter
et se développer d'importantes usines.

     

Par Yannick Lecherbonnier
Ingénieur d'études
à l'inventaire général.

Cidre et fromages participent encore largement à l'identification du pays d'Auge. Leur histoire est mal connue jusqu'au siècle dernier, mais le silence des sources documentaires n'a pas interdit d'attribuer
à deux des trois grands fromages augerons de mythiques origines : selon la tradition,
le camembert aurait été inventé en 1791, tandis que le pont-l'évêque, héritier supposé de l'angelot,
ou augelon, serait mentionné pour la première fois dans Le Roman de la rose.

La réalité est tout autre : on ne doit reconnaître à Marie Harel que d'avoir su promouvoir un fromage
déjà évoqué en 1708 dans le Dictionnaire géographique et historique de Thomas Corneille.
Quant aux origines médiévales du pont-l'évêque, elles ne tiennent qu'à la coquille d'un copiste
du XVè siècle qui fit des formages en glaons c'est-à-dire dans des paniers d'osier
cités dans l'ouvrage originel de Guillaume de Lorris et Jean de Meun des formages engelons.

Reconnaissons-lui cependant d'être le plus anciennement attesté :
il est en effet vendu sous ce nom à Paris dès 1600. La position de Pont-l'Évêque, ville reliant les foires
de Beaumont-en-Auge à celles du Neufbourg et aux marchés parisiens, justifie cette primauté.

Quelques décennies plus tard, la renommée du cidre paraît établie en 1641, Gabriel du Moulin
voit en pays d'Auge « Si grande quantité de pommiers qu'un homme y fait quelquefois deux ou trois cents tonneaux de cidres si agréables au goût qu'ils réparent aisément le défault du vin ».